Pays multiculturel, pays multilingue?

Un modèle pragmatique pour l'analyse des relations langagières au Luxembourg

Guayarmina Berzosa, Paul Dickes

« Multi culti » est une expression souvent utilisée pour caractériser le Luxembourg. Pays multiculturel, le Luxembourg compte un nombre croissant de résidents étrangers et de nationalités et l’on peut donc s’attendre à ce que le nombre de langues pratiquées augmente lui aussi. Mais le Luxembourg est bien avant cela, c’est-à-dire par sa Constitution, un pays multilingue. Il est sans doute un des rares pays européens à reconnaître trois langues nationales : le luxembourgeois, l’allemand et le français, toutes trois enseignées dans le système scolaire. Ce plurilinguisme, qui mêle langues germanophone et romanophone, est sans doute l’un des facteurs explicatifs d’une certaine facilité d’intégration linguistique. Cependant, la question se pose de savoir sur quel mode s’opère cette intégration linguistique, c’est-à-dire si les trois langues sont utilisées indifféremment selon les nationalités et les contextes sociaux (relations familiales, amicales et professionnelles) ou si, au contraire, certaines régularités apparaissent en fonction de ces critères. Ce questionnement a permis de construire un modèle de relations langagières spécifique au Luxembourg. Ce document traite uniquement des relations que les personnes interrogées manifestent lorsqu’elles communiquent oralement les unes avec les autres. Nous nous intéressons à la langue utilisée le plus souvent, que nous appelons langue de référence ou encore langue dominante, ainsi qu’à celle utilisée en tant que seconde langue ou langue secondaire, pratiquées dans différentes situations ou circonstances de la vie courante, à savoir la famille, le lieu de travail et les amis et connaissances.
Dans le questionnaire EVS Luxembourg 2008 trois séries de questions (cf. Encadré 1) permettent de se rendre compte des relations langagières.
Quelques remarques à propos des items servant à l’étude des relations langagières (cf. Encadré 1) s’imposent.
− Dans le questionnaire EVS de l’enquête 2008, seulement trois situations de vie sont envisagées, à savoir les langues parlées avec la famille, sur le lieu de travail et avec les amis et connaissances. A première vue ces situations renvoient à des interactions langagières de groupes sociaux. La liste est limitée, car d’autres situations de vie pourraient être envisagées, comme les langues parlées dans les commerces, celles que l’on parle lors des échanges avec les administrations ou lors des activités festives etc.
− Les questions sont posées d’une façon globale, indifférenciée. La personne interviewée est appelée à donner des réponses quant à la présence ou l’absence de pratiques ou de comportements langagiers. L’information concernant la qualité des expressions langagières dans les trois situations de vie n’est pas sollicitée.
− Implicitement, les questions sont posées pour convenir au moment présent. On peut penser que les réponses peuvent être différentes selon les périodes historiques où on les pose. Malheureusement, ces mêmes questions ne font pas partie de la première enquête EVS, qui a eu lieu au Luxembourg en 1999, ce qui empêche toute comparaison temporelle.

Proposition de citation

Dickes, P. & Berzosa, G. (2010). Pays multiculturel, pays multilingue? Un modèle pragmatique pour l’analyse des relations langagières au Luxembourg (Les Cahiers du CEPS/INSTEAD. Population & Emploi Nr. 16). Differdange. Centre d’études de populations, de pauvreté et de politiques socio-économiques (CEPS/INSTEAD).

Projets liés